Comment mieux consommer la mode ?
Suite et fin de l’interview RSE de Catherine Marcadier Saflix, fondatrice de En mode Création(s) et experte des questions sociétales et environnementales dans l’univers de la mode.
Quels sont les points de vigilance et les axes d’amélioration et comment pouvons-nous agir pour une mode plus durable et plus responsable ?! Dans cette dernière partie, Catherine nous donne des pistes pour mieux appréhender l’achat de vêtements en tant que consommateurs.
Slöer
On a parlé précédemment de la RSE du point de vue des marques. Du point de vue du consommateur, c’est aussi une vraie question de savoir quoi faire pour consommer mieux la mode. Il y a la seconde main, consommer des marques plus éthiques, faire attention aux matières, aux lieux de production… Quand on veut acheter un nouveau vêtement, on se pose de plus en plus ces questions. Qu’est ce que vous pouvez conseiller aux consommateurs ? Comment aborder ces questions ? Et est ce qu’il y a des règles, des ordres de priorité à prendre en compte quand on veut faire un achat, pour savoir quel sera notre impact ?
Catherine M.S
La spécificité des marques de mode, c’est d’avoir un point de vue de design et de désirabilité de leurs produits. C’est vraiment spécifique par rapport à d’autres secteurs d’activité. Je ne dis pas que les autres produits ne doivent pas être désirables…, mais dans la mode, c’est encore plus présent. C’est donc très cyclique. Et du point de vue du consommateur, je comprends aussi qu’il y a des moments où vous ayez tout simplement envie de vous faire plaisir sans forcément vous vous casser la tête.
Mais si vous faites des achats en conscience, c’est plus intéressant. Par exemple, le guide publié par l’ADEME « Le revers de mon look » que je trouve très bien fait, édité en français et en anglais, est très pédagogique.
Il y une infographie qui donne des pistes de consommation éco-responsable, en identifiant à la fois les problématiques et les solutions qui peuvent être apportées. … Par exemple, aujourd’hui si vous voulez acheter un jean, il faut vous demander comment acheter un jean qui, à la fois, correspond à vos attentes en termes de design, mais qui soit le plus écoresponsable possible ? Il y a eu une tendance sur le jean délavé à trous, mais justement, ça, ce n’est pas tellement éco-responsable. Si vous pouvez plutôt acheter un jean brut qui soit sans trou, et qu’il vous plaît tout autant, je vous conseille de choisir celui-ci.
Slöer
Finalement, ce sont des choses assez précises, mais on ne se rend pas compte de l’impact qu’il y a derrière. On peut se dire « Faire un trou, qu’est ce que ça change ? » Au final, la façon dont sont produits ces jeans, c’est beaucoup plus énergivore ?
Catherine M.S
Tout à fait. Et il y a aussi l’achat de vêtements en lui-même. Les différentes lois, notamment la loi AGEC et la loi CLIMAT, vont promouvoir l’affichage environnemental. Ce sont des informations sur lesquelles travaillent les marques et les fédérations professionnelles en lien avec l’ADEME, qui vont permettre de mieux informer le consommateur. Ce sont des points extrêmement importants parce que cela va faciliter toute cette dimension pédagogique pour amener le consommateur à acheter en conscience.
C’est vraiment un gros travail qui est fait actuellement, qui a démarré depuis deux ans, qui s’était un peu arrêté pendant la crise sanitaire, mais qui a quand même bien avancé. L’idée, c’est vraiment de mieux informer le consommateur. Ce qu’il faut, c’est avant tout regarder les étiquettes. Qu’il y ait l’affichage environnemental déjà en place ou pas. C’est important de regarder la provenance du vêtement que vous voulez acheter.
L’idée est d’avancer ensemble plutôt que d’être dans une forme de culpabilisation.
Catherine Marcadier-Saflix
Slöer
Malheureusement la provenance, on ne l’a pas toujours, le lieu de fabrication n’est pas systématiquement précisé. C’est assez perturbant, car c’est au centre des sujets. En tant que consommatrice, je regarde systématiquement et je me rends compte qu’il y a beaucoup de vêtements sur lesquels ce n’est même pas indiqué. On ne sait pas où le vêtement est fabriqué !
Catherine M.S
C’est vrai… Et ce n’est pas toujours une garantie puisque c’est souvent là où il y a eu la dernière action de confection sur le vêtement qui va primer. Parfois, cela peut aussi induire le consommateur en erreur, mais si cette provenance existe, c’est peut être déjà une première piste.
Il y a aussi évidemment la composition : savoir si la marque utilise des matières recyclées, des matières plutôt naturelles, et si oui lesquelles. Vous pouvez avoir des pistes. Vous avez les labels comme OEKOTEX et tous les labels les plus connus, ou encore Fairtrade sur la dimension sociale.
Selon la matière que vous utilisez, vérifiez également la dimension du bien-être animal. C’est extrêmement important. Il peut y avoir quelques indicateurs qui vous permettent d’avoir des informations sur ce sujet, qui vont être renforcées grâce à l’affichage environnemental.
Ensuite, il y a la manière dont vous allez entretenir votre vêtement : le lavage, l’entretien, puis le recyclage. C’est vraiment un sujet important. Il y a des objectifs d’augmentation du recyclage. On sait que l’on n’arrivera jamais à plus de 60% de recyclage. C’est vraiment un objectif très élevé. Mais c’est important malgré tout d’augmenter cette dimension. Le consommateur a un rôle à jouer.
Les marques peuvent accompagner les consommateurs dans cette démarche, en mettant des points de collecte des vêtements ou simplement en travaillant avec le consommateur. Vous pouvez aussi aller dans les points relais, il y a des start up qui se sont engagées sur ces sujets.
Vous pouvez, tout au long du cycle de vie du vêtement, avoir des actions qui vont permettre d’améliorer globalement cet impact, qu’il soit social ou environnemental. Et ce qui est intéressant dans cette démarche de la RSE, c’est que tout le monde a un rôle à jouer : le consommateur, la marque, le fournisseur, … le politique, les associations, les collectivités territoriales en mettant en place sur leur territoire des filières de recyclage, tous les ateliers… tout cet écosystème au sens très large a un rôle à jouer pour améliorer la RSE de la mode.
C’est en impliquant chacun des acteurs que l’on va pouvoir avancer. Si les marques étaient toutes seules à avancer sur ce sujet, ça serait très compliqué. Il y aurait toute une partie qui serait occultée.
Il y a justement beaucoup d’actions collectives qui sont menées. Suite au G7, il y a eu le Fashion Pact. Au niveau européen, des actions collectives sont menées, en général auxquelles participent les marques. Et finalement, des associations, des ONG, etc, ont aussi ce pouvoir de mobilisation pour faire qu’il y ait un maximum d’acteurs qui soient impliqués. L’idée est plutôt d’avancer ensemble plutôt que d’être dans une forme de culpabilisation.
Je suis pour une RSE sans dogmatisme et je trouve que parfois, on essaye de donner des leçons, on souhaite culpabiliser les gens. Ce n’est pas comme ça que l’on avance. Certes, il faut fixer des objectifs. Certes, c’est important que les choses s’améliorent, mais cette prise de conscience a eu lieu. Il faut encore la renforcer et la faire avancer, mais c’est en mettant tout le monde autour de la table que l’on peut justement avancer de manière cohérente et vertueuse !